Rencontres

Mon ami – partie 2

Un jour, des années après, Francis m’annonce qu’il est à Kinshasa. Nous avons grandi, eu des enfants, mais pas besoin de mise à jour, tout est comme avant, nous rions, passons quelques moments au centre culturel Bilembo avec d’autres amis, et à ses autres séjours les années ensuite nous nous écrivons juste sans avoir le temps de nous voir. Notre amitié n’a pas pris une ride. Nous rions, il m’appelle “Peter Pan” parce qu’il estime que je ne grandis pas, volontairement ou pas, et j’en ris, mais aussi “la fille de la meilleure amie de mon père”, appellation que je lui rends en l’appelant “le fils de l’ami de ma maman”. Nous nous appelons comme comme ça en privé comme en public, et plusieurs personnes trouvent ça amusant, et nous racontons avec plaisir l’histoire de ces surnoms.

A ce stade, nous avons atteint le moment dans une amitié où nous pouvons rester des mois sans nouvelles, mais grâce aux réseaux sociaux nous savons que l’autre est là, tout près. Parfois, je brise le silence sur WhatsApp, parfois c’est lui qui le fait, mais 2024 est une année où nous nous parlons très peu. J’ai quand même eu droit à son habituel message d’anniversaire. Les mois passent, préoccupée par de nombreuses choses, je pense parfois à lui sans lui écrire, je lis ses publications sur Facebook, j’en ris ou réagis parfois. C’est fin octobre, à son anniversaire, que mon ami me manque, je pense fort à lui, et j’ai comme l’impression que quelque chose ne va pas. Mon cœur n’est pas tranquille mais je connais sa discrétion et je lui souhaite un joyeux anniversaire en lui disant combien ca faisait longtemps et en ajoutant “prends bien soin de toi”. Ses remerciements sont brefs. Mon instinct ne m’avait pas trompée, il ne va pas bien. Je n’insiste pas alors que j’aurais pu, et le 24 décembre je le vois publier sur Facebook. Je me dis “je lui écrirai un message de vœux pour le nouvel an et je prendrai plus longuement des nouvelles”, mais d’oubli en oubli, le 8 janvier, dans un groupe WhatsApp quelqu’un poste sa photo, accompagnée de la légende RIP. En panique, je cours écrire à un autre ami, qui a parlé à sa sœur. L’information est confirmée. Mon ami est parti. Mes larmes coulent. Je suis assise par terre.

Pendant 2h, je pleure jusqu’à ce que ma tête se mette à battre. Avec les larmes, ce sont les souvenirs qui coulent, Cette nuit-là, je dors mal, je me réveille le lendemain à 5h, et je suis dans le déni. Je me suis déconnectée de Facebook pour fuir la tristesse ambiante, et j’en suis arrivée à refuser la nouvelle. Je lui ai écrit des messages, comme prise de folie. Je lui parle comme avant, mais aucune réponse bien évidemment. J’en pleure. Dans mon déni, j’espère qu’il répondra, que tout reprendra comme avant. Mais le programme des funérailles est partagé, et je pleure de plus belle.

Comment expliquer la douleur qui m’enserre la poitrine, comment expliquer ce que je ressens? Comment mettre des mots sur une douleur aussi intense? Je pleure sans arrêt, dans mes moments d’acceptation je dis merci à Dieu de m’avoir donné cet ami si spécial, et je le prie de prendre soin de lui, puis dans les moments de déni je fais défiler mes messages jusqu’à son nom, je regarde nos conversations, je souris et j’attends. J’attends qu’il m’écrive, qu’il envoie une note vocale, ou une photo, me taquine sur mon amour pour la fête de Noel, ou dise simplement “la fille de la meilleure amie de mon père”. Mais c’est le silence, ma gorge est serrée.

Je souhaite à tout le monde d’avoir connu ce genre d’amitié au moins une fois dans sa vie, de celles qui ne faiblissent ni avec le temps ni avec la distance, de celles qui vous font détecter à distance que l’autre a un souci, et surtout de celles qui vous aident à mieux comprendre l’humain et à l’aimer avec ses défauts et ses qualités. Mon plus grand regret? N’avoir par envoyé ce message de vœux, mais Dieu sait pourquoi il m’a laissée oublier. Tout le reste a été dit, sauf les aurevoirs.

Je ne dirai pas adieu, je continue de chérir cette amitié, de relire nos messages, et de croire qu’il est là, tout près bien que loin, en train de me lire avec son sourire malicieux.

Une photo reçue le jour de son anniversaire en 2023

Merci Francis <3

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