Voyage au Katanga (lubumbashi-Likasi) (4)
Lubumbashi…Je me sens dépaysée, je ne reconnais rien, tout semble avoir changé. Nous roulons dans la ville, et déposons Neuilly à la Monusco. Elle doit y reprendre son véhicule. Nous nous disons au revoir brièvement, visiblement tout le monde est fatigué. Nous reprenons la route. La ville est belle, il y a de la verdure partout, et c’est si propre…Nous atteignons notre hôtel, le Karavia, c’est superbe. De la végétation bien entretenue autour, un petit lac artificiel tout près, de quoi donner envie d’y rester… A la réception, nous recevons un accueil chaleureux, une des dames me demande si je suis aussi militaire. Je souris, et lui réponds que non. Je reçois ma clé, remplis un formulaire et après avoir fait un signe de main aux autres, je monte dans ma chambre. Je prends une douche, me change et essaie de dormir mais je n’y arrive pas. Je dois voir Thierry, un vieil ami d’université cet après-midi. Entretemps, j’écoute de la musique et me détends. Le major Tom est passé m’inviter à diner chez sa nièce, qui reçois toute l’équipe ce soir, mais je décline l’invitation, trop fatiguée et ayant d’autres projets.
Je m’allonge, et écris à Mathy, une autre amie avec qui j’ai étudié au primaire. Je me réjouis des retrouvailles en perspective. Elle promet de me rejoindre autour de 19 heures. En attendant, je prends quelques notes et me détends. Il est 18 heures passées quand la réception m’annonce un visiteur. Thierry arrive. Près de 8 ans que nous ne nous sommes pas vus. Après les accolades, nous passons le temps à discuter, rire, parler de nos vies, histoire de rattraper le temps perdu. A la fac, Thierry était le seul garçon de notre bande, nous passions notre temps ensemble, puis les études finies, le groupe s’est un peu dispersé mais nous avons gardé le contact autant que possible. Nous sortons manger pas loin de l’hôtel, un site en plein air du nom de Côte Ouest, situé justement sur l’autre rive du lac artificiel de Karavia. La serveuse qui vient à notre table a l’air maussade, alors que nous passons nos commandes elle a l’air ailleurs. Je commande du poisson, lui demande de quel poisson il s’agit, elle répond ”du poisson”. Dans d’autres circonstances je lui aurais donné une réponse à la hauteur, mais je suis épuisée et j’ai faim, et je lui dis que finalement je prendrais du poulet et des frites. Elle veut rouspéter, c’est alors que Thierry lui demande si elle a un problème. Elle répond que non, s’en va, ramène les boissons et s’éloigne. Une vingtaine de minutes après, nos plats sont servis, je ne savoure pas et dévore, affamée. Nous bavardons encore, il est 20 heures passées, bientôt 21 heures, Mathy arrive, s’assied un moment les présentations faites. Elle m’annonce que la soirée va être longue, ce qui n’est pas pour me déplaire. Nous allons voir Charly, une amie journaliste, et c’est chez elle que la soirée se passe, de causeries en bavardages, de rires en anecdotes. Tout cela autour d’une bonne table et d’un bon vin rouge. Décidément, Charly sait recevoir. C’est autour de 2 heures du matin que nous partons de chez elle. Mais la nuit est encore longue. Mathy m’emmène dans un lounge tout près, malheureusement fermé. Nous retournons donc à mon hôtel, il y a une boite de nuit au sous-sol, juste ce qu’il nous faut. Mathy et moi sommes un peu pareilles, du genre à faire la fête sans avoir besoin d’alcool. Nous dansons jusqu’autour de 4 heures, puis nous décidons qu’il est temps de partir. Je monte dans ma chambre, non sans l’avoir remerciée pour cette belle soirée et elle retourne chez elle.
Puis je me rappelle qu’avec les autres, nous nous sommes donnés rendez-vous à 7h30 pour le petit déjeuner, je dors 3 heures à peine et me prépare à toute vitesse. Je descends et croise les autres à la réception, nous prenons une grande table et le petit-déjeuner se passe dans la même ambiance bon enfant pendant près d’une heure. Je finis en premier et remonte dans ma chambre. Nous devons sortir voir un peu la ville et faire quelques achats. Par la fenêtre, je regarde la vue, superbe, des arbres, de la verdure, et le lac artificiel. Je ne m’en lasse pas…Je quitte la fenêtre, fais mon sac, m’allonge un moment, puis quelques minutes plus tard le téléphone de ma chambre sonne. Michel veut savoir si je viendrai avec eux, je réponds que oui, attrape mon sac à main et descends vite.
Nous prenons la route, passons devant une résidence que l’on me dit être celle du Président. Il ne faut pas rouler à plus de 40 kilomètres et on ne peut surtout pas prendre des photos. Je souris. Sacrée Rdc…
Touriste pour quelques heures…
Nous passons devant la cathédrale de Lubumbashi, la cathédrale Saint Pierre et Paul. Elle est en briques rouges. Les militaires veulent la visiter. Ils rencontrent le curé, qui leur fait faire le tour de bonne grâce en leur racontant un peu l’histoire de la cathédrale. Moi je prends quelques photos pendant la visite, qui s’achève très vite. Direction le centre-ville, à quelques mètres à peines ; nous allons acheter quelques souvenirs auprès des artisans. Je prends des bijoux en malachite, une boite à bijoux en malachite aussi et quelques autres babioles. Le tout pour un peu moins de 30$. Le marchandage s’est bien passé…
Direction Njanja, le quartier commercial près du marché central, je n’ai rien de précis en tête, mais je descends acheter du poisson salé, le fameux « bitoyo ». J’en achète un tas, puis les autres ayant dû se rendre à l’aéroport en urgence pour prendre leur avion, je descends au centre-ville dans un petit café. Je commande de l’eau et un sandwich et m’installe. Caps, qui nous a rejoints pendant les courses, me tient compagnie. Puis il m’annonce qu’il doit faire une petite course et s’éclipse. En attendant, Assina, que j’ai connue à Kinshasa, me rejoint, nous discutons un moment gaiement et j’aperçois tout à fait par hasard Jonathan, un ancien collègue d’université. Il est installé à une table à côté. Assina s’en va, elle a d’autres rendez-vous dans la journée, Jonathan s’installe un moment à ma table le temps de discuter un peu, prendre des nouvelles. Puis il s’en va et je reste à attendre le reste de l’équipe. En sortant, je constate qu’il a plu et que Lubumbashi a aussi son robot qui règlemente la circulation. Assina m’a raconté que lorsqu’il venait d’être installé, c’était une véritable attraction, les gens se pressaient pour se prendre en photo devant lui.
Nous retournons à l’hôtel prendre nos valises, je croise une fois de plus Prince, que je n’ai pas vu pendant cette journée, nous nous faisons un signe de la main, direction l’aéroport. C’est si rapide, je vais quitter Lubumbashi avec un gout d’inachevé. Je me dis que ce n’est que partie remise. A l’aéroport, c’est la routine, les formalités qui ne durent que quelques minutes, je vais payer le go-pass, la taxe de départ, (10$ pour les vols locaux et 50 pour les internationaux). Depuis un certain temps, on ajoute à cela 5$, une taxe « statistique d’embarquement ». Je constate que la souche de mon reçu porte un autre nom que le mien, je le fais remarquer au monsieur de guichet, qui, un air inquiet, me fait rapidement une autre souche. Je vois mon nom et me dirige donc vers la salle d’attente. Je croise des agents de la Régie des Voies Aériennes, qui procèdent à une dernière fouille. Je n’ai pas grand-chose, alors cela ne prend que peu de temps. Puis l’un d’entre eux me dit quelque chose en swahili. Je ne saisis que ”dada”(sœur). Je leur dis que je ne parle que très peu de swahili, alors il me dit en français ”vous pouvez nous payer le transport s’il vous plait ?” Tiens, ça me rappelle la dame à l’aller. J’esquisse un sourire en y pensant et leur donne quelques billets. Ça doit être la fatigue, me dis-je en secouant la tête. Je m’installe donc dans la salle d’attente avec les autres : Mike, un militaire américain, Michel et les 2 majors de l’armée congolaise. La salle d’attente se remplit peu à peu. Un monsieur a lui aussi remarqué un défaut avec la souche de son reçu, il le fait remarquer aux gens autour de lui. Ils vérifient. Soit le nom manque sur la souche, soit le numéro est différent de celui du reçu et le nom est écrit à la main au lieu du carbone. Je me rappelle qu’à l’aller, il n’y avait pas de nom sur la souche de mon reçu. Nous concluons que ces gens entretiennent une magouille avec les agents des guichets des banques pour que l’argent récolté ne soit pas versé intégralement dans les caisses de la régie. Nous retournons donc exiger que tout soit régularisé, mais nous demandons combien de voyageurs sont passés par là sans faire attention. Je m’engage donc à prévenir le plus de personnes possible. Mon séjour au Katanga s’achève, j’en ramène d’excellents souvenirs, et ce gout d’inachevé…
Au cours de ce séjour, j’ai demandé à plusieurs reprises pourquoi le gouverneur de la province est aussi populaire. A chaque fois, j’ai eu droit à un regard étonné. A chaque fois, on m’a expliqué que cette pseudo popularité a été créée par les médias. La réalité, elle, est moins reluisante : c’est vrai que des travaux sont en cours partout dans la province, mais le tout puissant gouverneur s’en arroge tout l’honneur. Il contrôle tout. Il possède des entreprises qui offrent tous les services, ce qui fait qu’il a le monopole de la vente de sable, de briques, de tout ce que l’on peut imaginer. En clair, ceux qui l’aiment sont ceux qui bénéficient de ses largesses, mais eux ,ne sont pas nombreux…