Rencontres

Rencontre avec Momi M’buze

Momi M’buze vient de fêter ses 40 ans en juin de cette année. D’origine congolaise,  Il vit en Belgique comme de nombreux autres ressortissants de la RDC. Auteur, activiste, entrepreneur,  il assume avec aisance ses diverses casquettes et s’est confié à moi le temps d’un séjour au pays, où rappelle-t-il, il a laissé son cœur. Entretien.

Mwana Molokai: Comment se passe le quotidien en Europe pour quelqu’un dans le cœur et les pensées sont au Congo?

Momi M’buze: On vit la réalité avec beaucoup d’envie, de nostalgie, beaucoup de tristesse parfois, due à l’éloignement bien sûr, et cette envie constante de revenir.

MM: En tant qu’auteur, tu écris énormément de fiction, est-ce le moyen d’expression que tu as choisi?

Momi: Mon premier livre “Mémoire de paternité” (2010) n’était pas de la fiction, c’était une sorte de carnet intime, un livre où je prenais des notes alors que ma fille ainée était en gestation. J’ai commencé du 3e mois de grossesse jusqu’à sa naissance, chaque jour. Et le hasard a voulu que la dernière page du carnet tombe le jour de sa naissance. Il y  a aussi le livre que j’ai écrit suite à mon dernier voyage au Congo “Fragments de Vies”, dans lequel je donne des conseils sur comment venir au Congo, ou en Afrique, ce qu’on peut y trouver, les différentes idées, les personnes à rencontrer. Il y a aussi un peu d’extrapolation sur l’avenir et ce que devrait être le congolais.

MM: Revenons à tes fictions, Kemetos, Les chroniques de l’Empire N’tu

Momi: Kemetos, c’est l’Afrique au 23e siècle, ce sont les Etats-Unis d’Afrique, un état fédéral, des états membres de la fédération, et je suis même allé plus loin en englobant d’autres territoires qui ne sont pas d’Afrique mais dont la population est majoritairement noire comme le sud des Etats-Unis, les Caraïbes, certains pays d’Amérique latine, etc, jusqu’en Australie.

MM: C’est une vision idéale, idéaliste?

Momi: Ca va plus loin que ça, c’est une vision idéale certes, mais j’aborde aussi beaucoup de problématiques que l’Afrique pourrait rencontrer dans le futur, tous les problèmes qui ne sont pas réglés aujourd’hui que l’Afrique va rencontrer demain, en y mettant de la fiction pour rendre cela un peu plus agréable mais en se disant que les États-Unis d’Afrique pourraient ressembler à ça si dans les années et les siècles à venir nous faisons ce qu’il faut pour.

MM: Ça fait un peu penser au Wakanda de Black Panther…

Momi: C’est plus que ça, dans la mesure où il y a clairement les traces  du passé colonial,  du passé esclavagiste que l’Afrique a subi et bien sûr par  résilience, la fédération va passer au-delà de ces choses et se reconstruire. Pas selon le paradigme actuel en Afrique où l’on est confronté  au passé colonialiste que subit encore l’africain, mais selon le nouveau paradigme où l’africain décide de développer une autre idéologie pour se reconstruire.

MM: Peut-on dire que tu développes une version améliorée de l’activisme?

Momi: On peut dire ça, parce que j’y mets beaucoup de politique, de socio-économique, de géostratégie, de géopolitique, parce que je suis un activiste panafricain.

MM: Activiste panafricain, ça veut dire quoi exactement?

Momi: C’est-à-dire que je vois la problématique africaine sur base de ce que tous les peuples africains subissent. Ce que subit le congolais, c’est ce que subit l’ivoirien, le tchadien, le somalien, etc. Mon combat, c’est de voir quelle est la problématique commune et de voir comment, en tant qu’africains, nous pouvons nous entraider pour y remédier.

Momi M’buze

MM: Parlons des Chroniques de l’Empire Ntu,  une trilogie ?

Momi: C’est une trilogie, avec des hors-séries qui seront publiés, le  premier sera adapté en bande dessinée, avec une version en anglais du tome 1. C’est le Seigneur des Anneaux à l’africaine, mais j’y ai mis tout ce que je connais de la culture, de l’histoire, de la mythologie, de la politique africaine.

MM: D’où tiens-tu une telle connaissance?

Momi: De mes lectures, des documentaires, des informations que je recueille (je me documente beaucoup). Ma passion de transmettre l’histoire, bien que je n’aie pas de formation en histoire, m’a fait créer cette fiction où j’ai mêlé mes connaissances de l’Afrique pour que le public cherche lui-même ce qui appartient à la fiction et à l’historique.

MM: J’allais justement poser cette question, est-ce-que ce n’est pas contradictoire pour un activiste de faire de la fiction?

Momi: Pas du tout, parce que je transmets un certain idéal. Dans “Les Chroniques de l’empire N’tu“, l’idée c’est “que serions-nous devenus si nous n’avions pas été vaincus militairement par l’Europe?”. C’est ainsi que le tome 1 parle de l’invasion, la défaite, le tome 2 de  la retraite, et le tome 3 de la restauration de l’empire.

MM: D’où est venu le nom de cet empire?

Momi: J’ai voulu faire un clin d’œil au peuple bantu et pousser les gens à se documenter sur ce que c’est au niveau culturel, religieux, historique.

MM: Et Pour Kemetos?

Momi: Dans Kemetos, on retrouve Kemet, qui est le nom que les égyptiens anciens donnaient à leur pays.

MM: Revenons à ton activisme. Trouves-tu le temps de partager tes connaissances et ta vision avec les autres, ainsi qu’avec les plus jeunes?

Momi: Tout à fait, je participe à des salons littéraires et j’en organise certains moi-même pour partager avec les autres cette vision. Mes propres enfants sont très imprégnés d’Afrique, ils ont l’amour de leur culture via leur nom, via la langue (je leur apprends le lingala et le swahili), via l’histoire et les codes sociétaux.

 

MM: Un activisme soft?

Momi: On dira activisme intelligent. Je suis moins dans la revendication et plus dans la transmission d’un idéal.

MM: Le message passe-t-il mieux de cette façon que de la manière “forte”?

Momi: On a besoin des deux pour avancer et faire passer le message. En politique par exemple, il y a la diplomatie et les actions militaires.  L’africain a surtout besoin d’être informé.

MM: Quels sont les prochains rendez-vous et projets?

Momi: Kemetos est une saga en 7 livres dont je n’ai publié que 3.Le 4e sortira d’ici septembre, le 5e est en cours de relecture, Il y a aussi un tome 4 de “Les chroniques de l’empire N’tu” en élaboration, qui se passe 20 à 30 ans après la fin du tome 3. J’ai aussi des livres  comme “La main noire“, un peu l’équivalent de Mission Impossible à l’africaine.

En termes de rendez-vous, il y a la sortie de Kemetos tome 4 en septembre-octobre, mon retour au Congo en octobre, et enfin la sortie de la bande dessinée d’ici la fin l’année.

MM: Parlons des articles que tu écris sur ton site (mbuze.com), tu en écris énormément.

Momi: C’est une autre manière pour moi de partager ce que j’apprends, vu que je ne peux pas tout mettre dans mes livres, avec un public qui aime ces sujets. J’écris sur des sujets variés, parce que mes centres d’intérêt sont variés et j’observe beaucoup ce qui se passe autour de moi.

MM: Merci beaucoup de m’avoir accordé cet entretien.

Momi: Merci à toi Larissa.

Je me suis procuré un exemplaire de l’intégrale des Chroniques de l’Empire N’tu

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