Voyages et Découvertes

Kisangani, la guerre de 6 jours (partie IV)

La suite du récit d’Alesh

 

“4ème jour de Ggerre… les coups de feux restent toujours aussi dangereux… les Ougandais ont ramené des chars de combat sur la 7ème avenue (je rappelle que notre maison est située sur la 6ème avenue)… ils ont également ramené une batterie anti-aérienne qu’ils ont placée au rond-point Comboni (7ème Av. Plateau Boyoma). On entend de nouveaux sons d’armes jamais entendus… ça devient plus infernal qu’avant… même les oiseaux ne chantent plus. Mais un autre challenge est face à nous et il nous faut à tout prix prendre une décision cruciale… il n’y a plus une seule goutte d’eau dans la maison, il n’y a plus de bouffe… C’était soit se cloîtrer de peur dans la maison et crever de faim et de soif, soit tenter de sortir pour trouver à boire et risquer sa vie. Pour la nourriture, on avait trouvé une solution alternative: Mon père était agronome et nous avions des sacs de paddy dans la maison (initialement, semences pour ses plantations)… il ordonna à ma sœur de piler quelques Kilos afin d’en tirer quelques gobelets de riz. Mais avec la menace de la soif et la saleté des installations sanitaires, la famille avait pris une décision très difficile: Tous les grands garçons (papa inclus) devaient aller puiser de l’eau sur la 4ème avenue (chez le feu «Vieux Deschauds»). C’était tous les hommes de la maison sauf mon frère Gloire qui n’avait que 11 ans à l’époque, ni mon grand frère Guy (qui lui, avait déjà été touché par une balle et les éclats de roquettes durant la guerre de 3 jours… oui celle de 6 jours n’était pas la seule guerre qu’on ait vécue. De ma vie j’ai survécu à 4 GUERRES) . Donc au final, il n’y avait que 3 hommes de la maison qui étaient allés puiser de l’eau: Feu mon père, Feu mon frère Patrick et moi. La 4ème avenue n’était qu’à 2 avenues de chez nous mais l’impression était qu’il fallait parcourir 100km pour y arriver. En nous voyant sortir, certains de nos voisins nous ont rejoint… nous avions formé un groupe suicide d’hommes partis à la recherche d’eau pour sauver leurs familles. En sortant, en plein milieu de notre avenue (devant la parcelle de la Famille Odia), il y avait un obus non explosé que je n’avais malheureusement pas vu. J’avançais vers cet obus avec mes 2 arrosoirs en main, bien sûr avec la plus grosse peur au ventre d’attraper une balle perdue, quand j’entendis tout le monde crier «Alain nooooonnn! Regarde sous tes pieds, toko kufaaaaa (nous allons mourir)!», jusqu’à présent je n’ai jamais compris comment j’avais fait 2 pas de suite avec la jambe gauche sans que la droite (qui s’apprêtait à piétiner l’obus cad un UXO en langage technique de déminage), ne touche le sol… Dieu est grand!
Enfin commença le long périple vers la «source» ou plutôt l’étang de la 4ème avenue pour trouver de l’eau. Potable ou pas, là n’était plus la question. L’essentiel était de trouver soit de quoi boire, soit de quoi manger… J’ai vu des gens manger de la pelouse par manque de choix ou d’autres boire l’eau sale des caniveaux.
Arrivés à la source, une grosse bagarre éclata entre les familles puisque tout le monde voulait puiser de l’eau en premier…
Mais 3h de temps après, nous avions quand même tous réussi à regagner nos domiciles sous l’énorme joie de nos familles. La toilette pouvait être nettoyée, nous pouvions nous décharger de nos besoins physiologiques et nous pouvions préparer le peu de riz que nous avions…
L’ après-midi, mon père qui était un grand fumeur, ne puis plus se retenir… il alluma sa cigarette… cigarette qui nous attira des ennuis. En effet un militaire Rwandais sentit l’odeur de la cigarette allumée… quelques minutes après… toc toc toc… le militaire frappait à la grille fermée!  Ma mère faillit s’évanouir… Puisque ce genres de scènes précédait des massacres de masse… Personne n’a répondu… Toc Toc Toc…. silence de mort… je crois que le militaire avait compris que nous avions peur mais il insista… Toc toc toc «Mzee, Mzee! Unipe moto! Nataka vuta!» (aîné, aîné, donne moi du feu, j’ai envie de fumer). Papa sortit pour lui allumer son splif de chanvre… le gars refit la scène plusieurs fois cet aprem là jusqu’à ce que papa se sente obligé de lui faire cadeau de son briquet à contre-coeur…”

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