Kisangani, la Guerre de 6 jours (partie III)
Alesh raconte: “Il est 5h55′, nous sommes cloîtrés dans la maison tels des bêtes coincées dans un guet-apens. Pas de bouffe, pas de courant, et surtout plus d’eau dans la maison. Obligés de contenir nos besoins physiologiques puisque la toilette est déjà sale (avec une cadette de 9 ans et un cadet de 11 ans, la priorité ne pouvait clairement pas être les plus âgés). Nous n’avons presque pas dormi de toute la nuit tellement les affrontements étaient intenses (l’armée rwandaise devait bien s’affirmer dans les nouvelles positions conquises parmi lesquelles, devant notre maison).
A 5h55′, les Rwandais devant notre maison commencent à bombarder les positions ougandaises se trouvant à environ 100m derrière notre maison. Ce sont donc plus de 30 obus projetés à partir de chez nous (Vous n’avez aucune idée du bruit, des détonations et de la peur que tout cela cause)… Je suis à deux doigts de me pisser et de me chier dessus…
Et les ougandais qui étaient super doués en calculs de trajectoire décidèrent de répliquer… ils ne donnent que 3 obus en réponse… et forts de notre expérience de 3 jours de ligne de front, après avoir entendu partir 3 coups d’obus, fallait compter 3 détonations d’explosion pour être sûr que les 3 bombes avaient explosé et que notre tour n’était pas encore arrivé.
Le premier Obus explose dans le voisinage… GROS BOUM!… On compte…. le deuxième explose… et vint enfin le tour de la 3ème bombe… LA PLUS GROSSE DÉTONATION QUE JE N’AIE JAMAIS ENTENDUE! La Bombe vient d’exploser DANS LA CHAMBRE OÙ MON PAUVRE FRÈRE PATRICK, MA SOEUR Rachel ET MOI ÉTIONS CACHÉS!
J’étais torse nu, allongé à plat ventre… Des éclats de vitres de notre fenêtre ainsi que du feu venant de la bombe explosée tombent sur mon dos… ça sent le brûlé, grosse fumée et grosse poussière venant du mur perforé de la chambre… Je ne vois plus rien! J’ouvre grand mes yeux mais RIEN! Connaissant par cœur la géographie de la maison, l’instinct de survie me pousse à ramper aussi rapidement qu’un cafard en danger. Je voulais m’enfuir et rejoindre ma mère qui était dans le couloir. Rampant à l’aveuglette, voulant atteindre la porte de sortie de la chambre, quelqu’un m’attrape par la jambe! Ma peur décuple d’intensité! Je donne le coup de pied le plus intense avec le peu de force qui me reste… mais la personne ne me lâche pas! C’était ma sœur Rachel … Elle s’accrochait désespérément à moi pour pouvoir se sauver elle aussi
A deux nous rejoignîmes notre mère dans le couloir… «Maman! Maman! La bombe est rentrée dans la chambre!» disais-je en tremblant de tout mon corps… «Mais où est votre frère? Où est Patrick?» répliqua maman… Je pris mon courage à deux mains, et j’avançai juste ma tête vers la porte de la chambre sombre de poussière et de fumée… «Ya Patty! Ya Patty!»… silence radio… … «Ya Patty! … Ya Patty!»… enfin je vis une ombre venir vers moi… Il n’a pas pu se déplacer après l’explosion tellement il ne voyait rien…
JE resterai marqué à vie par cet événement… mais la suite n’est pas moins pire…”