Kinshasa, c’est aussi ça…(L’hommage à Papa Wemba d’une kinoise lambda)
Mardi 2 mai, j’ai rendez-vous avec quelques amis. Nous devons nous rendre au Palais du Peuple rendre un dernier hommage à Papa Wemba. Jusqu’au moment où j’écris ces mots, je n’accepte toujours pas le fait qu’il ne soit plus là et je me console par le fait qu’il suffit que je branche mes écouteurs sur mon téléphone pour l’écouter ou que je cherche sur Youtube pour le voir. Lundi, j’ai regardé les hommages à la télévision, le cœur gros, la tête lourde. La semaine d’avant, lorsque sa mort a été annoncée, j’ai versé tellement de larmes que j’ai cru tomber malade. J’étais en Afrique du Sud, et j’avoue que pendant tout mon séjour j’avais hâte de revenir à Kinshasa. Depuis plusieurs jours, je n’écoute que sa musique, me rendant à nouveau compte de la richesse de son répertoire.
Papa Wemba, c’est mon idole, mes amis le savent, ma famille le sait. Comme par coïncidence, il est né un 14 juin, comme ma maman, et chaque année à cette date, je suis heureuse de célébrer avec maman en pensant à Papa Wemba. J’ai le cœur lourd, je ne veux pas croire qu’il n’est plus là.
L’extérieur du Palais du Peuple où ont lieu les obsèques |
Ce mardi donc, nous nous retrouvons peu avant 20 heures au « Sans Frontière », une « terrasse » comme on les appelle chez nous à Kin. C’est un bar moitié couvert, moitié en plein air, situé à cent mètres du palais du Peuple où ont lieu les hommages à Papa Wemba. Nous discutons, parlons de lui, de sa musique, de sa personnalité, et justement à coté c’est sa musique que l’on joue. Plus de 2 heures après, après avoir mangé de la viande de chèvre et de la chikwangue (surement pour prendre des forces) et pris un verre ensemble, direction le Palais du Peuple. Il faut traverser la route, puis une foule compacte. J’ai du mal à croire qu’il est 23 heures. Il y a plusieurs podiums dressés, et au moins 3 concerts dans l’enceinte du Palais du Peuple. Nous nous dirigeons vers une entrée des barrières métalliques, où est posté un policier. Nous le saluons, et faisant mine de vouloir passer il nous demande en lingala où nous allons. Je lève les yeux au ciel, lui répondant « au deuil, évidemment, où voulez-vous que nous allions ? » Il nous répond calmement « Donnez-moi deux Turbo ». La « Turbo » ou « Turbo King », une bière brune, coûte près de 1500 francs congolais, soit un peu plus d’un dollar et demi. Il y a aussi le petit format, qui coûte 1000 francs, mais nous n’avons pas le temps de nous interroger sur le format qu’il recherche.
Nous lui rions au nez, lui demandant depuis quand l’accès à un lieu de deuil est payant. Il s’énerve. Mes amis insistent. Ils haussent la voix. Edy, qui fait partie du groupe s’est énervé un peu plus et le policier et lui se prennent au collet à présent. D’autres policiers approchent, prenant bien sur la défense de leur collègue. Je lance « Continuez comme ça, demain tout ce que vous faites sera dans les médias ». L’un d’entre eux dit s’en foutre, mais un militaire m’ayant probablement entendue, s’approche, et me fait passer la fameuse barrière. Il me demande où sont mes amis, je les lui indique et nous entrons tous, après l’avoir remercié. Incident clos. Mais voilà ce que ça coûte de venir à ce genre de cérémonie comme un simple individu, me dis-je intérieurement. Si nous avions montré une carte de presse, nous serions entrés sans aucune question et c’est bien triste.