Voyage au Katanga (Lubumbashi-Likasi) (3)
Le premier véhicule qui doit emmener les militaires avec Michel arrive. Ils embarquent. Nous attendons un autre véhicule, qui doit nous conduire à Mura, où se trouve un centre d’instruction militaire. Nous attendons une trentaine de minutes. La voiture est là, nous embarquons, avec Tony, le cameraman et son assistant, Neuilly et moi-même. En chemin, j’admire la ville, que nous quittons quelques minutes plus tard. Nous atteignons un endroit où la route est boueuse, cahoteuse, la végétation autour abondante. A peine quelques motards s’y aventurent. Puis une pierre rectangulaire indique que nous avons atteint notre destination. Nous prenons la gauche, mao, le chauffeur, roule encore un peu, puis nous indique qu’il ne peut aller plus loin, la route étant trop boueuse. Nous descendons, prenons nos sacs et marchons. Nous traversons le camp où vivent des militaires et leurs familles. Certains nous saluent en lingala, nous sourions et leur rendons leur salut. Nous atteignons l’entrée du centre, et voyons des militaires en pleine parade. Ils se préparent à la parade de ce midi, lorsqu’ils auront fini leur formation. Certains, voyant nos caméras et appareils photos, nous demandent de les photographier, ce que je fais avec plaisir. Mura est remplie de végétation, et d’effigies défraichies de Laurent-Désiré Kabila, ancien président (le père de l’actuel) dont le nom est d’ailleurs écrit en grand à l’entrée. Il s’est longtemps servi de ce camp pour la formation de sa garde, mais depuis le camp sert pour des formations de nouvelles recrues de l’armée. J’apprends plus tard que les formations sont si intenses que les femmes ne peuvent pas y participer. Les jeunes soldats que je croise m’ont l’air bien aguerris et pressés de descendre au front.
Partout, des petits panneaux affichent des phrases du genre « la discipline est la mère des armées », et une autre, qui me fait sourire « le peuple est comme l’eau l’armée est comme le poisson dans l’eau, aimez le peuple ».
Le camp de Mura
Nous atteignons le mess des officiers, et y déposons nos sacs. Nous discutons avec le commandant adjoint du centre, un colonel sympathique qui répond à toutes nos questions. Puis nous allons assister à l’un des cours, dispensé par une magistrate militaire. Les soldats, concentrés, posent beaucoup de questions. C’est la fin du cours et ils veulent tous faire des photos avec nous. Nous acceptons, de bon cœur. Tout va bien, jusqu’à la rencontre avec le commandant du centre, un général bourru mais pas vraiment méchant, visiblement mécontent de nous voir. Il n’aime pas les journalistes, nous explique-t-il. ”Ils déforment toujours ce qu’on leur dit”, ajoute-t-il. Je souris, bien qu’un peu agacée. Il s’attaque ensuite à Neuilly ”vous, chez Okapi (la radio où elle travaille), vous ne savez pas vérifier les informations qui vous parviennent ?” Puis il nous explique que son adjoint lui a dit que des journalistes étaient là, c’est comme cela qu’il a appris notre présence. Nous lui expliquons à quoi servirons les images et les sons que nous avons pris, et il nous laisse enfin, nous comprenons qu’il voulait montrer ”son autorité”. C’est l’heure de retourner à l’extérieur pour la parade, nous nous alignons près des formateurs, pour écouter le discours du général s’adressant aux nouveaux soldats les ”Simba Za Mura” comme l’indiquent des brassards qu’ils arborent sur leur tenue.
Puis vient la parade, et enfin un petit cocktail, que nous prenons rapidement car il va falloir prendre la route dans quelques minutes. Le général,contre toutes attentes, est à présent détendu, et nous demande même pourquoi nous somme si pressés de partir. Nous sourions, et lui que nous avons un bus qui nous attend…Tony et son assistant sont partis, ils ont un avion à prendre, Neuilly et moi quittons le centre, le major Tom, qui a aussi formé des militaires, nous suit. Il partira avec nous. Nous quittons le centre, et retournons en ville. Un bus nous attend pour nous ramener à Lubumbashi. Il faut déjà partir, et je regrette de n’avoir pas pu voir plus de Likasi. Je prends des photos en quittant la ville, un peu déçue de partir si vite…
Nous montons, en compagnie des militaires américains, c’est loin d’être calme, on rit et plaisante beaucoup. Puis peu à peu, le silence s’installe, le chauffeur met de la musique, je m’assoupis. Quand je me réveille, nous atteignons le péage de Buluo, je voudrais acheter quelque chose à grignoter mais je n’ai plus de monnaie. Je me rendors, déçue. Quand je me réveille à nouveau, nous roulons encore un bon moment avant d’atteindre le péage de Lubumbashi, puis la ville elle-même. Une statue de Laurent-Désiré Kabila nous fait face, nous la dépassons. Lubumbashi…