Carnet de Voyage: Kisangani (la suite)
Nouvelle journée…Je suis levée à 7 heures (il est 6 heures à Kinshasa). Après une bonne douche (L’hôtel a même l’eau chaude, c’était presque inimaginable, rien de mieux pour faire passer la sensation de courbature de mes membres fatigués), je m’habille et descends déjeuner, espérant croiser les autres pour leur souhaiter un bon voyage. Quelques un d’entre eux, plus matinaux, ont fini de déjeuner et discutent en attendant le départ à 8 heures. Nous déjeunons ensemble, parlons encore de la journée d’hier, riche en découvertes. Il est 8 heures, les autres s’en vont, et je remonte dans ma chambre, passer des coups de fil à la maison, en attendant les premiers rendez-vous prévus à 10 heures. Tout va bien du côté de Kinshasa, me dit-on. Johann (mon fils) est à l’école, il se demande où est sa maman, mais ne pleure pas. C’est un grand garçon. Je promets d’appeler ce soir pour lui parler.
Grace à mon Blackberry, je discute avec certains amis, le temps passe vite et je reçois un premier coup de fil. C’est un prêtre, directeur d’une chaine de télévision. Je descends vite, pour ne pas le faire attendre. Nous discutons, l’entretien assez formel d’abord devient plus détendu ensuite, lorsque j’apprends à l’abbé Victor que je suis moi aussi journaliste, et catholique. Le pape vient de démissionner et il me demande comment j’ai réagi à cette annonce. Je lui réponds que cette démission m’a rappelé que notre pape est tout d’abord humain, et que s’il veut se reposer, il en a tout à fait le droit…Il sourit, et me dit que tous les catholiques ne pensent pas comme moi. Certains croient en une conspiration, une démission forcée, ils ont peur. Je lui réponds que les congolais adorent les théories de la conspiration et que ça leur passera…30 minutes plus tard, nouveau groupe, nouvelle discussion, les journalistes de Kisangani m’étonnent. Ils n’exposent pas leurs problèmes, que j’imagine nombreux pourtant. Ce qu’ils veulent, c’est plus d’informations pour nourrir leurs médias et parfaire leurs connaissances. Les problèmes du quotidien, apparemment sont moins importants. 1 heure après ce sera le tour d’autres journalistes.
Il est midi, je prends une pause et là, un ami qui a accepté de me servir de guide pour le reste de la journée vient me rendre visite. Sa voiture est en panne et il faudra se déplacer…à moto. Premier réflexe, je ne suis pas très rassurée, mais désireuse de voir autre chose que l’hôtel, j’accepte, non sans lui avoir fait promettre de rouler lentement. Nous nous rendons au siège local de la télévision nationale. Le directeur, un monsieur d’une cinquantaine d’années, nous accueille avec le sourire. Il aime parler, et moi aussi, et nous parlons pendant une trentaine de minutes de son travail, de la vie au quotidien et du métier de journaliste à Kisangani. Fin de l’entretien, direction Canal orient, une chaine de télévision locale. Personne sur place, nous repartons, et là en attendant le prochain rendez-vous à 14h30, histoire de tuer le temps, je visite un peu la ville. Partout, ce qui manque c’est l’asphalte, mais les routes sont bien tracées, et peu cahoteuses, et à moto, ça va plus vite. Je commence à m’habituer.
La plage et ses baigneurs |
Kisangani à moto
Nous sommes au centre-ville. Nous passons devant la cour d’appel, puis un grand bâtiment délabré (abri pour les prostituées, et leurs clients, m’explique-t-on), partout des personnes à moto (ici on les appelle Toleka, traduit en français ça veut dire simplement « passons »), ou à vélo…
Nous traversons la commune de la Tshopo, les maisons me font penser à certains quartiers de Kinshasa. La seule différence c’est que c’est moins sale, du moins vu de l’extérieur. Nous passons devant une église, catholique, la paroisse Saint Joseph. Ensuite, le stade Lumumba. Partout, je prends des photos, je veux tout immortaliser. La route est moins plane, je m’accroche, je vois de la verdure, une immense étendue de verdure, et du sable plus loin…Une plage ? Je n’y crois pas, je dois voir ça de plus près. Nous atteignons la plage, c’est magnifique, tout simplement. Le sable, la rivière, les baigneurs, des pirogues, et en arrière-plan, sur l’autre rive, une autre plage, avec des arbres. On se croirait dans une carte postale grandeur nature. Je demande ce qu’il y a de l’autre côté. « C’est le zoo ». J’espère avoir le temps de le voir. J’admire les enfants qui s’amusent sur la plage, je prends des photos, ils se rapprochent et posent quelques questions en lingala. Je leur réponds, avec le sourire, et leur demande s’ils ne sont pas allés à l’école. Ils répondent que l’école est finie, et retournent en courant se baigner. Je me fais prendre en photos, il y a des paillotes et des chaises installées en-dessous Nous nous asseyons, je commande du poisson, du poisson frais de la rivière. Il est servi dans une sauce pimentée, un délice. Je le prends avec une limonade, et je me dis que la vie pourrait être aussi simple que cela : vivre dans un endroit pareil, respirer de l’air frais, entendre le rire de ses enfants, regarder les pirogues passer…je n’ai pas envie de partir, mais l’heure du prochain rendez-vous approche. Et ici, les gens sont ponctuels, je l’ai remarqué. Bon, il est permis de rêver, et il est temps de rentrer.
Nous rentrons, et ayant rendez-vous avec 2 journalistes, j’en rencontre 3 : Magloire, Laurent et Dieudonné. Très bavards, souriants, ils ont un peu attendu, mais compréhensifs, ils me parlent comme s’ils me connaissaient depuis toujours. Je suis à l’aise, détendue, ils me demandent si j’ai eu le temps de visiter et ce que je pense de Kisangani. Je leur dit que la ville est belle mais encore sauvage et me plait beaucoup. C’est un euphémisme bien sûr, et ils comprennent, se regardent, sourient et l’un d’entre eux me dit que c’est l’effet que fait souvent Kisangani. Il me dit aussi quelque chose que j’ai ressenti : ici, les gens sont plein d’espoir, ils ont la rage de vivre et veulent donner le meilleur d’eux-mêmes. Ils ont connu la guerre, la souffrance, mais ils croient en un avenir meilleur, et ils veulent en faire partie. L’entretien fini, il est 16 heures, j’ai du temps libre et je me dis que ma découverte n’est pas finie. Je remonte dans ma chambre, mettre de l’ordre dans mes idées, et ranger les quelques cartes de visite glanées çà et là.
A 17 heures,
mon ami, qui est aussi un musicien local, (il fait du rap engagé, ce qui ne l’empêche pas d’êtres très populaire) est repassé me chercher, cette fois-ci, direction l’autre rive de la Tshopo. Nous traversons le pont Tshopo, que je voyais de loin ce matin sur la plage. Il y a des chutes en bas, c’est superbe. Je veux prendre des photos, mais des militaires de la garde républicaine m’interpellent. Ils me disent qu’il n’est pas permis de faire des photos ici. Je trouve cela ridicule. Un si beau site, pourquoi ne pas le montrer ? Ces contradictions m’énervent parfois. Je me dis tant pis, ce matin, grâce au zoom de mon appareil photo, j’ai pu prendre les chutes en photo, de loin. Le pont passé, nous arrivons à un endroit avec une pancarte : plage du jardin zoologique de Kisangani. Un petit sentier mène à cette plage, et nous croisons un âne tout blanc. Je réalise que c’est la première fois de ma vie que je voie un âne. Je ne savais pas qu’il y en avait de tous blancs. Dès que je veux le prendre en photo, il se détourne, je bouge, il se détourne encore. Je l’appelle, il ne réagit pas. Têtu. Comme un âne. Je finirai par l’avoir, patience. La plage du jardin zoologique est moins belle, plus sauvage. Il y a des rochers, et atteindre l’eau n’est pas aussi facile que sur l’autre rive. Il y a des paillotes, comme sur l’autre rive, mais ce que j’aime, ce sont tous ces arbres autours, qui dégagent une petite brise. Il commence à faire noir, nous faisons demi-tour et croisons encore l’âne, cette fois-ci j’ai pu le prendre en photo, direction la commune de Mangobo. Il fait noir, pas d’électricité ici, des gens circulent, nombreux, il y a de l’animation malgré l’obscurité. Avant de rentrer à l’hôtel, je passe à la Monusco vérifier l’heure de mon vol du lendemain. Lorsque j’ai appelé à 16 heures, un monsieur m’a dit de passer vérifier, que ce serait affiché. Nous arrivons, des gardes nous reçoivent, me montrent des papiers collés sur un mur. Je vois plein de chiffres et enfin « Kisangani-Kinshasa, 12h». J’ai encore une matinée dans cette paisible ville. Il est 20 heures, nous allons en plein centre-ville, acheter de la viande de chèvre (avec tout ça, j’ai oublié qu’il fallait se nourrir), c’est tendre et savoureux, et ça coute moins cher qu’à Kinshasa. Hier au diner, j’ai eu du bon poisson et des pommes de terre… 21 heures, la journée a été riche, retour à l’hôtel, je remercie mon ami, sans qui je n’aurais pas pu vivre une telle journée. Je passe à la réception demander un véhicule pour m’accompagner à l’aéroport le lendemain, j’appelle Kinshasa (il est 20heures là-bas, Johann dort déjà et j’ai un pincement au cœur de ne pas pouvoir lui parler. Je me rassure : demain, je serai avec lui…
Le lendemain, je suis levée à 7 heures, comme la veille, mes mini-vacances auront été bien brèves mais j’ai savouré chaque minute. Après le petit déjeuner, je reste discuter avec le réceptionniste, surpris d’apprendre que je pars ce matin déjà. Je lui raconte que par ma grand-mère maternelle, du sang de la Province Orientale coule dans mes veines. Il sourit, et dit espérer que j’ai aimé mon séjour ici, moi de répondre que j’ai fait plus qu’aimer, littéralement, je suis séduite et je rêve de revenir encore, ce qui n’est pas impossible d’ailleurs. J’ai du temps à tuer, donc nous parlons encore et encore, un monsieur avec sa petite fille vient s’installer pour le déjeuner. Nous faisons connaissance, je lui raconte mes impressions de la ville, décidément je vais devenir guide touristique ici à force de vanter les mérites de Kisangani. On m’avait prévenue…
L’ane croisé devant le jardin botanique |
7 Comments
larissadiakanua
En fait,je t'explique Rachidi,au Congo,lorsque l'on croise le représentant d'un organisme international,on a tendance à vouloir lui exposer tous ses problèmes,dans l'espoir qu'il les résolve. Ce que j'ai admiré chez ces journalistes,c'est qu'ils voient au-delà de telles considérations…
larissadiakanua
Merci Francky,mais un blog n'est pas fait pour forcément respecter les règles journalistiques.On s'y lache,on fait un peu de "monsieur tout le monde".Sinon,c'est vrai que le texte est très long, j'aurais pu le couper en 2 parties comme les autres…
larissadiakanua
Merci Rashidi,j'avoue que Kisangani m'a fait oublier mon coté journaliste pour me transformer en simple voyageuse curieuse de sensations et d'air frais…
Kipela Rashidi (kipra)
Intéressant ton carnet de voyage sur Kisangani dont je suis originaire ! Tant mieux d'avoir trouvé que c'était "aussi simple que cela : vivre dans un endroit pareil, respirer de l’air frais". Faisant référence à son look sauvage, Kisangani se pose pour figurante face à Kinshasa. Bien dommage que tu n'aies été entrée dans les détails de ce qui devrait être dit, de l'oeil et du coeur d'une journaliste, sur les problèmes que d'ailleurs tu reproches aux locaux de ne pas exposer (mdr !). Bon, je comprends, ton carnet c'est plus un récit personnel et non professionnel. Du récit, j'en admire la simplicité et le style… une lecture qui remplace presque mon radiateur face au froid polaire de cet hiver.
francky
votre article est quand même trop long pour le blog. Vous pouvez éviter certains détails en respectant votre angle (vous êtes journaliste, vous comprenez). Sachez que les gens n'ont pas beaucoup de temps pour un seul article sur internet.
Kawele Jean Mulunda
Mangifique.
Aly Chiman
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